Angus observe, distant, une douceur de Rome qui fond sous sa langue. Un corps décharné d'un Maure au sol se débat. Le corps sans nom hurle et griffe le sol. Angus est impassible. L'huile et le sucre font briller ses lèvres qu'il ne peut s'empêcher de dévorer. Un pugio s'enfonce dans les entrailles du malchanceux. Le spectacle devant lui hypnotise notre enfant bien né. Angus se pose dans une alcôve. Le sang du sans nom vient empourprer et salir le sable. Une mare visqueuse vient lécher les sandales de notre MacBeth. Il reste immobile. Son aine est douloureuse. Sa peau salive sous ses beaux drapés et l'alcôve lui apporte cette fraicheur qui calme ses sens. Ses muscles, tendus, mériteraient de se prélasser dans les termes, mais pour l'instant il s’affaire. Il ne se perdrait pas dans une rue crasseuse de Rome en cette nuit sombre s'il n'avait pas un travail à faire. Achéron n'attend pas. Achéron ne plaisante pas.

Angus ne salit jamais ses mains douces aux parfums d'amandes et de miels. Des hommes, qu'il paye, deviennent sa main, sa dague qui frappe sans poser de question. Le corps du Maure est ouvert en deux et un coup de pugio trop fiévreux fait gicler le sang de l'esclave. Un crachin grenat vient perler sur les joues du jeune homme. Plus doucement, messieurs. Je vous en prie. N'allez pas m'abimer cette marchandise. Le jeune MacBeth s'essuie la joue d'un passage de son pouce et porte son doigt à ses lèvres. Il le suçote comme enfant, comme il suçotait le sein de sa mère s'il venait à se rappeler ce souvenir de ses jeunes années. Il recule pour laisser opérer ses hommes. Il les paye assez chère pour qu'il sache ce qu'ils ont à faire. Il passe une allée et sort une bourse de sous sa manche pour venir la déposer dans la main dans du gardien de cette ville qui pourrie un peu plus jours après jours. Pour votre silence. Je suppose que vous n'avez rien vu et rien entendu ? On ne lui répond rien et cela convient parfaitement ainsi. Angus offre une autre bourse, cette fois à sa ceinture, et en sort une friandise. Il la glisse entre les lèvres du gardien. C'est toujours un plaisir de faire des affaires avec vous. Le regard du MacBeth dégouline de stupre. Tout ce spectacle macabre a attisé sa libido, mais même ici il doit se cacher. Rome n'aime pas les pédérastes. De part son nom, il sait qu'on gardera le silence. Il n'est qu'une rumeur qui se perd entre les dédales de pierre. Un murmure que les siens protègent. Un trait d'humour pour ceux qui aiment médire.

Après tout, Angus va se marier. Une délicieuse Romaine de sang bleu. Des joues roses et un teint de pêche. Une délicieuse enfant vierge du monde qui vient malgré elle s'enfoncer dans un nid de serpents. Des noces pourpres pour le jeune Macbeth. Une couche qu'il devra partager, embrasser et féconder. Même lui, doit se plier aux règles de ce monde. Son monde. Il frappe à sa porte. Il est tard. Sa servante. Sa chaperonne lui ouvre la porte. La belle ingénue se tient en haut de son escalier et respire l'amour. Il est bien tard. Je vous manquais à ce point ? Le jeune homme sourit ne répond rien et n'offre qu'un sourire. Il dépose des fruits qu'il a fait acheter pour elle. Quelle délicate attention. Vous êtes un jeune homme merveilleux et toujours pleine d'attentions. Je suis comblée. Il reste silencieux, mais le jeune Macbeth l'a toujours été même avec les siens. J'ai bien de la chance de vous épouser. Si la belle enfant savait ? Cependant, Angus ne dit rien. Angus ne montre rien. Il préfère s'asseoir et observer l'enfant. Il pourrait rester à la regarder toute la nuit, toutes les nuits.