Courbes aux traits noirs. Elles glissent est apparaissent là, devant toi. Tes doigts noirs les créant, les caressant. Tu laisses le bout de charbon glisser, noircir la feuille, tes doigts. Alors que ton regard, un peu hagard et éloigné s’illumine. Pour y laisser place à la vie. Celle qui te quitte si souvent, pour cet endroit austère. Mais, quand tu fais ça, Uriele, tu ne peux t’empêcher de vivre. Alors que tu créais la beauté sur papier. On ne le sait pas. On ne les a jamais vus. Eux. Parce que c’est un peu ton jardin secret. Dessiner. Tu ne sais même pas si tu le fais bien. Mais, ça fait tant d’années, tant de temps. Depuis le début. Parce que tu ne te souviens pas d’avant. Depuis le début de ton esprit, tu te vois dessiner. Pour quelques sous. Pour quelques sourires. Tes sourires. Mais, maintenant, ils ne te servent plus qu’à t’évader, du monde. D’ici. Mais, aussi, à retracer les corps que tu croises. Parfois si laids et d’autres fois si beaux. Uriele, t’as une vision de la beauté bien différente des autres. Parfois, le corps fripé et plus beau que le corps trop lisse. Trop terne, moins vivant. Oui. Vivant. C’était tout ce que tu cherchais à faire. Uriele, vivre.

Même ici. Là où t’étais arrivé un beau matin. Alors que tes pieds nus étaient encore gelés, que tes mains nues étaient encore crispées. C’est lui. Qui t’y avais déposé. En glissant de sa voix de baryton qu’il reviendrait te chercher. Mais, il n’était jamais revenu. Toi, t’étais arrivé de la terre alors qu’eux, étaient arrivés de l’eau. Mais, t’avais été trop jeune au début, petit être égaré. Alors, t’avais fait le ménage, t’avais fait la cuisine. Jusqu’à ce que ton corps se transforme, et qu’on te juge apte à passer de l’autre côté. Là où tu sens bon et où les draps ont un aspect doré. Mais, peut-être…peut-être aurais-tu préféré rester puant. Parce que dans le parfum, il y avait trop de mains inconnues. Trop de corps contre le tien. Parfois trop doux, parfois trop dur. Au début, tu avais pleuré, Uriele. Puis, tu t’y étais habitué. Ici, tout le monde à une place. La tienne était là, à leurs pieds, à répondre à leurs demandes, à leurs besoins. Uriele au corps nu que l’on brûle de plaisir. Uriele.

Tu le fixes, là, endormit dans les draps de soies, il a les yeux clos, le corps reposé. Il venait souvent, lui. Avec toi. Tu te demandais parfois bien pourquoi il te demandait et pas un autre. Mais, avec lui, c’était un peu différent, alors, tu l’aimais bien. En quelque sorte. Mais, il était rare Uriele, qu’ils s’endorment. Alors, dans le creux de cette nuit, t’avais osé croquer le corps endormi. Pour en garder un précieux souvenir. Ou peut-être pour le lui donner, sans un mot, sans un regard. Bel endormit. Tu avais croqué son corps de la meilleure façon possible, avec ton regard bien à toi, qui sait voir là où le beau se trouve. Et, alors que le soleil pointait doucement le bout de son nez, t’avais fait tomber le papier sur le lit, fuyant bien vite. On t’appelait. Et, tu te devais de répondre à l’appel. Peut-être n’aurais-tu pas dû, abandonner le dessin. Mais, il n’était pas fini de toute façon. Corps endormit laisser seul. Corps réveillé re-commandé.