Dieu du ciel, Dieu de la terre, Dieu des Anges, Dieu des Archanges, Dieu des Patriarches, Dieu des Prophètes, Dieu des Apôtres, Dieu des Martyrs, Dieu des Confesseurs, Dieu des Vierges, parce qu'il n'y a pas d'autre Dieu que Vous, et qu'il ne peut y en avoir si ce n'est Vous, le Créateur de toutes choses visibles et invisibles, Vous dont le règne n'aura point de fin : nous supplions humblement Votre Glorieuse Majesté d'user de Sa Puissance pour nous délivrer de toute tyrannie des esprits infernaux, leurs pièges, tromperies, méchancetés, et de nous conserver indemnes de tout mal.

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A genoux tu trembles les dix doigts croisés sur ton crucifix d’argent bercé par tes lèvres douces qui murmurent des paroles d’une langue morte. En ce jour le seigneur te pardonnera et oubliera tes pêchés. Non ceux que tu as commis dans ta blanche jeunesse mais ceux qui se tiennent devant toi, prêt à t’enlacer dans leurs ténèbres dès quelques instants. Tu entends encore les paroles de l’hérétique que tu croyais aimer, celui que tu aimes encore malgré les actions nécessaires à venir. Rire masculin de l’adolescent osant critiquer celui qui a guidé tes pas dès les premiers braillements de ta vie. Il regrettera de vous avoir traité de sorte, mon Seigneur. Il brûlera en enfer avec les siens, les païens. Il brûlera. Car elle se tord de douleur en toi, la foi, la tienne à l’entente de telles paroles. Toi qui as été envoyée sur cette terre pour réajuster l’équilibre que le purgatoire a laissé échapper de trop nombreuses années. T’élever au-dessus d’eux tu feras et la vermine tu puniras pour dorer les mains de tes anges et tes croyants. Paroles entendues, tes sens se réveillent pour percevoir la pluie qui s’abat sur les vitraux sombres de l’église oubliée. Eau qui vient glisser sur les pavés pour les purifier de leur crasse, le signe qu’Il t’a donné pour épargner ta damnation. L’enfant élevée dans l’hystérie que tu es se glisse à travers les ombres pour joindre ton dos au bois massif de la porte sacrée. La respiration étouffée, les ongles pénétrant ta paume, tu attends avec une rage enivrante grandissante à chaque seconde. Fuite qu’elle a prise la petite Constance pour laisser place à ta personnalité de guerrière, nouvelle cavalière de l’apocalypse. La mort à tes cotés pour se dresser toujours plus haut dans la vie.

Craquements de la lourde porte qui le mènera à la descente des enfers, le jeune homme voleur de ses sentiments pose son pied sur le sol du lieu sacré. Il te cherche du bout des lèvres, fait glisser ton nom sur ses lippes d’enflure avec une curiosité qui te dégoûte. Tu l’observes lui, et sa carrure à peine plus large que la tienne et tes bras devance déjà ton corps quand tu t’agrippes à sa gorge. Sortie de l’ombre, prête à faire souffrir l’hérétique, succube que tu es. Tes mains se renferment sur ses cordes vocales alors qu’il essaye de se débattre pour observer son agresseur mais tu tiens, frêle et petite que tu es, mais tu tiens debout. Ce n’est qu’après que son corps s’effondre à tes pieds que tu lâches prise, l’observant tel que tu es, hautaine et splendide. Pas un regard qu’il n’a pu jeter vers toi, seule trahison de ton parfum acidulé qui recouvre ton corps de gamine. Odeur entachée par la sienne et celle du rouge d’Andrinople qui coule déjà le long de tes fins doigts. Car louve que tu es, tes ongles n’ont pu se retenir d’arracher la peau qui s’y trouvait. Tes muscles brachiaux s’efforcent de trainer le corps inerte et inconscient du garçon devant l’altère. Ultime sacrifice, branche souillée qui se doit d’être purifiée. Il n’est pas encore mort non, car tu sais que cela n’aidera pas à éliminer les démons de ses pensées. Vivant, brûlant, seul moyen pour toi d’y voir une vraie offrande à ton Dieu.

Petites mains qui tremblent en versant le gasoil sur l’agneau à tes pieds, la peur de commettre l’irréparable et brûler avec lui comme un enfant de l’enfer. Eclaboussures sur le futur cadavre d’une odeur répugnante mais dévorante. Et tu crains, tu ne sais pourquoi, mais tu sens la crainte enfler en toi quand l’allumette s’enflamme au bout de tes doigts. Peut-être qu’il ne me le pardonnera pas. Que ferais-je pour vivre avec cet insoutenable pêché ? Comment pourrais-je moi-même oublier si Dieu n’efface pas mes actes ? Des questions qui se perdent dans l’ivresse du moment, l’action défendue qui sera applaudie par les ténèbres. Tu l’entends gémir avant que la flamme n’embrase son corps une fraction après, tu l’as entendu. Flammes qui virevoltent et jaillissent en de courts instants pour envelopper la chair humaine qui se met à hurler. Oh qu’il hurle fort, ton échec, il te le fait bien comprendre que tu as raté une énième fois ton désir. Et les cris stridents ne font qu’écho à travers tes orbites vides avant que tu ne doives protéger ton audition de tels hurlements digne de la plus laide des créatures. Les larmes montent et tu ne supportes plus, lui, la peur, alors tu cours pour te sauver de la scène de crime. Tes jambes qui se cognent contre les chairs du fond de l’église, ta peau qui se sauve par les coulisses de ce théâtre macabre dont tu n’aurais pas du être l’actrice perdante. Les braillements attirent déjà des voix bien au loin quand tu te laisses échapper de ce doux inferno pour rejoindre ta lucidité.

Mais tu le sais, hein que tu le sais. Qu’il viendra te hanter jour et nuit. Que ton parfum l’accompagnera dans son quotidien, ton odeur attachée à la mort. As-tu déjà peur de le voir revenir avec ses bandages cachant ton affreuse et odieuse action au monde entier ? Que feras-tu quand il te reconnaitra ? Toi la gosse qui a goûté à la mort et qui en redemandera.