Les gamins courent derrière une balle foutue, et toi t’es là, à les regarder. T’as pas envie de jouer au foot, t’as pas envie de les côtoyer, de leur parler. T’es en retrait, à donner des coups de pieds dans un tas de feuilles, à écraser des escargots juste pour entendre le bruit de la coquille qui éclate sous ta chaussure. T’as rien à faire ici, c’est pas pour toi l’orphelinat, tu veux pas devenir comme Battista, le plus grand, le plus féroce et surtout le plus déglingué. Il a plus rien dans la caboche, pas même une araignée pour lui tenir la conversation. 15 ans. Tu dégages de l’enfer. Tu prends la sortie et tu dis bonjour à la rue.

Aello. Aello. T’as un don tout particulier pour aimer celles que tu n’pourras pas avoir. C’est comme ça. Faut que tu t’amouraches des plus belles, des plus inaccessibles. Petit roi. Tous les matins, tu l’as vois partir pour l’opéra. Elle chante là-bas, et toi tu te glisses dans le bâtiment, tu connais les couloirs, tu bosses aussi dans cet endroit, t’es embauché pour tout faire, pour être l’esclave mais tu t’en fous, tant que tu peux l’entendre. T’accumules les jobs depuis que t’es gamin, t’en as bientôt trente. Tous les jours, tu attends le bon moment, mais les mots ne viennent pas, tu n’sais pas quoi lui dire. T’es pas foutu de lui dire que tu l’aimes. Ton obsession elle devient maladive pendant deux années. C’pas toi qui fait le premier pas. C’est elle. Tu t’étouffes avec ton café. Et c’est parti pour la vie. Un mensonge de plus.

Macaria. Petite princesse adorée. Petit cadavre enterré. Aucune explication, tu sais pas pourquoi elle a le crâne percé d’une balle, tu comprends rien. Le mec en armure beugle des informations, mais tu ne saisis pas. T’entends plus rien. C’est foutu. Monde écroulé. La Purge est dans deux semaines. T’as jamais participé à ça. T’en avais pas besoin. Tu deviens comme eux. Le soldat est retrouvé. Sa gueule que tu fracasses. N’en reste plus rien. Mais tu continues après la fin, tu cognes encore. T’as tué un soldat. Un gosse de la garde. Un héritier. Bonjour case prison.

« Va te faire foutre » T’as rien perdu de ton langage charmant, même après cinq années à crever entre les pierres froides. Tu n’veux pas de visiteurs, tu n’veux personne, même si tu donnerais n’importe quoi pour une putain. Une fille. Un truc. Mais pas un cheval. « Et tu peux pas m’ouvrir la cage pour qu’elle entre, non ? J’dois la baiser à travers les barreaux ? Connard » L’autre qui vient, qui se moque et t’apporte un jouet charmant dont tu ne peux rien faire. Foutage de gueule. Cinq années plus tard. Un autre qui se présente, famille différente. Les précieux Capulet. Les fillettes, c’est le surnom attribué. « Donc je gère vos putes, en échange de quoi ? J’peux les toucher ? Ou j’dois garder mes mains dans les poches ? Ah c’con, j’ai des poches percées »